Dans une belle exposition à voir jusqu’au 3 novembre 2024, le Musée des Arts d’Afrique et d’Asie raconte l’histoire romanesque de Hàm Nghi, empereur en exil et artiste. Un destin lié à la Reine des villes d’eaux puisque le Prince d’Annam est venu 25 fois en cure à Vichy.
Amandine Dabat, Commissaire de l’exposition est l’arrière-arrière-petite-fille de Hàm Nghi, empereur exilé devenu Prince d’Annam. Elle a publié une thèse de doctorat sur la vie et la production artistique de son illustre ancêtre, toujours considéré au Viêt Nam comme un empereur patriote qui a résisté et lutté pour son pays.
A travers sa correspondance, ses objets et ses œuvres, l’exposition nous emmène du Viêt Nam à Alger, en passant par Vichy où le Prince d’Annam est venu 25 fois en cure.
De l’Indochine de Hàm Nghi à l’exil du Prince d’Annam
Le voyage commence au Viêt Nam, à Huê dans un contexte politique mouvementé où se succèdent plusieurs empereurs. Hàm Nghi devient empereur à 13 ans en 1884.
En 1885, après la bataille de Hué perdue contre les français, il prend la fuite dans les montagnes où il se cachera pendant trois ans. C’est une période de sa vie dont il ne parlera jamais.
Il est trahi par quelqu’un de sa garde et fait prisonnier politique. La France décide de l’exiler à Alger.
L’art pour s’évader
Arrivé à Alger comme prisonnier politique, il n’a pas besoin de travailler pour vivre. Que faire de sa vie ?
Il est un tout jeune homme qui a tout perdu, jusqu’à son identité puisqu’on lui enlève son nom d’empereur. Il devient le Prince d’Annam.
Toute sa vie, il portera le costume traditionnel et le turban, seule façon de conserver son identité vietnamienne. Il ne devait pas passer inaperçu dans les rues de Vichy lors de ses nombreux séjours.
Il sera sans nouvelles de sa famille pendant 10 ans et se construira une nouvelle vie, une vie d’artiste.
Son entourage ayant remarqué son intérêt pour les arts lui propose des cours.
L’art sera pour lui une manière de se recréer un espace de liberté intérieure grâce à la pratique du dessin, de la peinture et de la sculpture.
Il a l’occasion de voyager en France et de fréquenter les milieux artistiques et culturels.
Il sera l’élève de Rodin et copiera les maîtres. Dans des tableaux « à la manière de », on retrouvera le mouvement impressionniste, pointilliste ou encore l’influence de Paul Gauguin.
Il aime peindre la beauté de la nature et rendre la lumière sur un paysage.
Malheureusement, la plupart de ses œuvres ont disparu dans l’incendie de sa villa d’Alger au moment de l’indépendance de l’Algérie.
Pourtant, il avait l’habitude d’offrir ses tableaux et comme il est souvent venu à Vichy, il y a peut-être des toiles qui dorment encore dans les greniers de l’Allier…
Il est bien intégré dans le milieu artistique et se crée un réseau social et amical, comme en témoigne sa correspondance et les photos de l’époque où on le voit très entouré. Quand il vient à Vichy, il retrouve des amis, profite de l’animation de la cité thermale, joue au golf et va au théâtre. Dans sa tenue traditionnelle, il ne passait pas inaperçu !
Dans les vitrines, on peut voir sa palette et ses pinceaux, mais aussi des objets personnels marqués de son monogramme Tu’ Xuân. C’est surnom qu’il avait enfant et qui signifie « fils du printemps ». Il l’utilisera comme nom d’artiste et signera ainsi ses toiles.
Une famille
En 1904, il épouse Marcelle Laloë, fille du président du tribunal d’Alger avec qui il aura trois enfants.
Il y aura même des cartes postales de leur mariage !
Il fait construire une villa sur les hauteurs d’Alger et partage son temps entre la vie de famille et la pratique artistique.
A la fin de l’expo, on peut voir une vidéo tournée en 1941 où on aperçoit le Prince d’Annam. Une silhouette émouvante dans sa tenue traditionnelle.
Noyant, un village multiculturel
Le destin du Prince d’Annam trouve un écho dans la diaspora vietnamienne en France et l’exposition se termine avec une évocation du village de Noyant d’Allier, avec des photos et des témoignages de ses habitants.
En 1914, le Prince d’Annam rêvait d’exposer à Vichy. Le Musée des Arts d’Afrique et d’Asie réalise son souhait en 2024 avec cette belle exposition dédiée à ce personnage au destin hors du commun, empereur exilé qui a trouvé dans l’art une liberté et une identité dont on l’avait privé.
Venez découvrir l’histoire de Hàm Nghi, empereur devenu le premier artiste moderne vietnamien formé aux Beaux-Arts par des français comme Auguste Rodin.
Pour compléter votre visite, une conférence est proposée par Amandine Dabat, Commissaire de l’exposition, le samedi 28 septembre à 15h.
Informations utiles
L’art en exil – Hàm Nghi, Prince d’Annam (1871-1944)
Du 20 avril au 3 novembre 2024 du mardi au dimanche de 14 h à 18 h.
Ouvert les jours fériés, fermé le lundi. Ouvert aux individuels et aux groupes.Musée des Arts d’Afrique et d’Asie
16 avenue Thermale
03200 VICHYLe site internet du musée
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